Différence entre assujettis mixtes et partiels

Examinons la différence entre les assujettis mixtes et les assujettis partiels ainsi que leur droit à déduction de la TVA.

Différence entre assujettis mixtes et partiels

1 Généralités

1.1 Définition

Rappelons la définition générique de l’assujetti : est un assujetti, quiconque accomplit d’une manière indépendante et quel qu’en soit le lieu, une activité économique de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées.

Nous savons également que l’article 44 instaure une catégorie particulière d’assujetti (les assujettis exonérés) qui sont sauf exception, privés de l’exercice du droit à déduction.

Une même personne peut, dans le cadre de son activité économique, effectuer à la fois des opérations ouvrant droit à déduction et d’autres la privant de cet exercice sur base du principe d’exonération contenu à l’article 44 CTVA.

De telles personnes sont considérées comme assujettis mixtes.

Selon la CJUE, eu égard à la différence dans l’étendue du droit à déduction selon l’usage auquel sont destinés les biens et les services ayant été grevés par la TVA, les États membres sont, en principe, tenus de prévoir que les assujettis, pour déterminer le montant de leur droit à déduction, doivent, dans un premier temps, affecter les biens et les services acquis en amont aux différentes opérations effectuées en aval à la réalisation desquelles ceux-ci ont été destinés.

Dans un second temps, il appartient aux autorités compétentes de ces États d’appliquer, pour ces biens ou ces services, le régime de déduction correspondant à leur affectation, étant entendu que, en ce qui concerne les biens et les services qui ne se rapportent pas à un type unique d’opération, il convient d’appliquer le régime du prorata général.

À ce niveau, la Cour d’appel de Gand a considéré que l’article 44 CTVA n’est pas en contradiction avec l’article 17, § 5 Sixième Directive pour autant qu’il considère comme un assujetti mixte celui qui exerce deux activités, l’une qui donne droit à déduction et l’autre qui n’ouvre pas droit à déduction.

Tant l’article 46 CTVA de la TVA que les articles 17, § 5 et 19 Sixième Directive en matière de TVA prévoient qu’en ce qui concerne les biens et services qui sont utilisés par un assujetti pour effectuer à la fois des opérations ouvrant droit à déduction et des opérations n’y ouvrant pas droit, la déduction de la TVA n’est admise que pour la partie de la taxe qui est proportionnelle au montant afférent aux premières opérations (prorata). Pour être complet, mentionnons cette distinction :

Un assujetti mixte : une personne qui réalise, dans l’exercice d’une activité économique régulière, à la fois des opérations lui ouvrant droit à déduction et des opérations qui entrent dans le champ d’application du Code TVA mais qui sont toutefois exonérées de toute TVA en aval par l’article 44 CTVA et qui par conséquent ne lui ouvrent aucun droit à déduction.

Exemples

1. Un conseiller en marketing effectuant à la fois des opérations économiques ouvrant droit à déduction (fourniture de conseils) et des opérations économiques pour lesquelles il n’a pas droit à déduction (courtier en assurances).

2. Une SA qui réalise d’une part des formations en matière informatique pour du personnel administratif et d’autre part des modules d’enseignement de langues étrangères pour du personnel appartenant au département « ventes » de sociétés commerciales.

3. Un impresario qui assure également le week-end l’animation de soirées dansantes sur demande de particuliers organisant une soirée privée.

4. Les services externes pour la prévention et la protection au travail se composent de deux sections, à savoir une section chargée de la gestion des risques, composée de conseillers en prévention, dont la compétence s’étend aux domaines de la sécurité du travail, de la médecine du travail, de l’ergonomie, de l’hygiène industrielle et des aspects psycho-sociaux du travail et une section chargée de la surveillance médicale composée de conseillers en prévention-médecins qui sont assistés par du personnel paramédical et du personnel administratif .

5. Une unité TVA est composée de quatre sociétés A, B, C, D :

A Une activité de production et de vente de produits de brasserie. Elle n’effectue que des livraisons de biens à des tiers à l’unité TVA.

B Produit des bouteilles en verre. Elle vend 20 % de sa production à A, le reste est vendu à des tiers à l’unité TVA.

C Fabrique des bacs en plastique spécialement conçus pour le transport de bouteilles. Elle vend 40 % de sa production à A et le reste à des tiers à l’unité TVA.

D Est une société patrimoniale détenant les immeubles de l’unité TVA, qu’elle met à la disposition des trois premières sociétés ainsi que d’autres sociétés non membres de l’unité TVA en vertu de contrats de location immobilière.

Cette unité TVA doit être considérée comme un assujetti mixte.

Un assujetti partiel : une personne qui exerce, à la fois, une activité économique régulière qui lui confère la qualité d’assujetti ordinaire et, d’autre part, une activité économique régulière qui se situe hors du champ d’application de la TVA.

Un assujetti mixte partiel : une personne qui effectue, à la fois, des opérations qui tombent en dehors du champ d’application de la TVA, des opérations qui tombent sous le régime des opérations exemptées visées à l’article 44 CTVA et des opérations taxées à la TVA.

1.2 Déduction partielle

Les assujettis mixtes ne peuvent déduire la TVA que dans la mesure où elle se rapporte à leur activité économique ouvrant droit à déduction.

Deux méthodes ont été envisagées par le législateur belge à l’article 46 CTVA :

1.     La méthode du prorata général ;

2.     La méthode de l’affectation réelle.

Il est intéressant de replacer ces deux dispositions dans le cadre de l’article 173 Directive TVA.

Le tableau suivant explicite les différentes possibilités laissées aux États membres et la transposition en Belgique.

Référence à la Directive TVA

Règle ou dérogation

Objet

Transposition en Belgique

Article 173, § 1er

Règle du prorata général

Ne vise que les biens et services à usage mixte

Non

Article 173, § 2, sous a)

Dérogation 1 : choix pour l’assujetti

Déduction par secteur

Non

Article 173, § 2, sous b)

Dérogation 2 : obligation pour l’assujetti

Déduction par secteur

Non

Article 173, § 2, sous c)

Dérogation 3 : choix pour l’assujetti

Affectation réelle

Article 46, § 2 CTVA

Article 173, § 2, sous d)

Dérogation 4 : choix de l’assujetti ou obligation pour l’assujetti

Prorata général qui s’applique à tous les biens et services

Article 46, § 1 CTVA

Article 173, § 2, sous e)

Dérogation 5

Montants insignifiants non pris en compte

Non

1.3 Le principe de destination – Le lien direct et immédiat

Une donnée essentielle à prendre en considération pour l’application du régime de la déduction est le principe de destination. En effet, une taxe n’est déductible que dans la mesure où elle est utilisée en perspective avec une opération en aval taxée ou du moins autorisant la déduction. C’est la portée de l’article 17, § 2 Sixième Directive (article 45, § 1er CTVA).

Encore fallait-il peaufiner la portée de cette règle. C’est à quoi la CJUE s’est attelée dans ses jurisprudences BLP, Midland et Abbey.

Sur base de l’enseignement de la CJUE, il faut dans ce cadre distinguer soigneusement :

– la notion de lien direct et immédiat instaurée dans l’arrêt BLP précité selon laquelle une TVA portée en compte sur une dépense n’est pas déductible dans la mesure où elle se rapporte à des opérations en aval exonérées de TVA ;

– la déduction des taxes se rapportant à des frais généraux. En principe, pour un assujetti total, il y a lieu de considérer une déduction totale. Pour un assujetti mixte soumis au régime du prorata, la déduction est toujours proportionnelle, à savoir calculée forfaitairement sur base d’un prorata pour toutes les catégories de dépenses. En revanche, pour un assujetti mixte à l’affectation réelle, la CJUE a autorisé dans son arrêt Abbey une déduction totale de la TVA grevant les frais généraux affectés à la « partie de l’entreprise » autorisant la déduction (taxée).

Sur base de la jurisprudence BLP, l’Administration belge a fait sienne la position selon laquelle les taxes ayant grevé des dépenses doivent présenter un lien direct et immédiat avec une opération déterminée, qui est passible de la taxe en aval, le but ultime poursuivi par l’assujetti étant à cet égard sans incidence. Elle a décidé à ce niveau que :

– la TVA ayant grevé les frais de conseil et d’audit exposés par une entreprise lors de l’émission d’actions ou d’obligations ou en vue de contracter un emprunt est déductible, selon les règles normales, dans la mesure où les fonds récoltés ou les sommes empruntées sont affectés à la poursuite ou à l’extension d’une activité économique ouvrant droit à déduction ;

– les taxes ayant grevé les frais relatifs à l’acquisition de participations ne sont en règle pas déductibles compte tenu que la revente de participations constitue une opération exonérée en vertu de l’article 44, § 3, 10° CTVA.

Un arrêt de la CJUE apporte un éclairage bienvenu au sujet de la manière dont un sujet partiel doit exercer son droit à déduction pour les frais généraux génériques (non imputables analytiquement à un secteur de ses activités).

Selon la CJUE, les États membres doivent exercer leur pouvoir d’appréciation en cette matière de façon à garantir que la déduction ne s’effectue que pour la partie de la TVA qui est proportionnelle au montant afférent aux opérations ouvrant droit à déduction. Ils doivent donc veiller à ce que le calcul du prorata entre activités économiques et activités non économiques reflète objectivement la part d’imputation réelle des dépenses en amont à chacune de ces deux activités.

Dans le cadre de l’exercice dudit pouvoir, les États membres sont habilités à appliquer, le cas échéant, l’une des trois méthodes suivantes :

– soit une clé de répartition selon la nature de l’investissement ;

– soit une clé de répartition selon la nature de l’opération ;

– soit encore toute autre clé appropriée, sans être obligés de se limiter à une seule de ces méthodes.

 

Voir : CJUE, 13 mars 2008, affaire C‑437/06, arrêt Securenta.

2 Déduction selon le prorata général

2.1 Les différentes méthodes applicables selon la Directive TVA

Dans son arrêt du 8 novembre 2012 BLC Baumarkt (C-511/10), la CJUE a précisé comment un assujetti mixte exerce son droit à déduction. Cette matière gît en premier lieu à l’article 173 Directive TVA.

La règle générale de calcul du prorata au sens de l’article 173 Directive TVA part du principe que les biens et les services à usage mixte sont utilisés par l’assujetti pour ses activités taxables et pour ses activités exonérées proportionnellement au chiffre d’affaires de chacune d’elles.

Le prorata général est une règle annuelle de pondération du chiffre d’affaires.

Dans le cas d’un assujetti mixte, la déduction n’est admise que pour la partie de la TVA qui est proportionnelle au montant des premières opérations taxées.

Dans cette situation, le droit à déduction est, en vertu de l’article 173, § 1 Directive TVA, calculé selon un prorata déterminé conformément à l’article 174 Directive TVA. Si l’article 173, § 2 Directive TVA autorise les États membres à déroger à cette règle en prévoyant l’application de l’une des autres méthodes de détermination du droit à déduction énumérées à ce paragraphe, il ne s’agit que d’une faculté et non d’une obligation (voir le schéma ci-avant) qui explicite la règle et les choix pour les États membres).

L’article 174 Directive prévoit, quant à lui, que le prorata de déduction résulte d’une fraction comportant, au numérateur, le montant total du chiffre d’affaires afférent aux opérations ouvrant droit à déduction et, au dénominateur, le montant total du chiffre d’affaires afférent aux opérations figurant au numérateur ainsi qu’aux opérations n’ouvrant pas droit à déduction.

Dans la mesure où il résulte que les opérations exonérées n’ouvrent pas droit, en principe, à déduction, il s’ensuit que l’article 174 de la Directive prévoit l’inclusion du chiffre d’affaires afférent auxdites opérations dans le dénominateur de la fraction permettant de calculer le prorata de déduction.

Article 173, § 1 (règle générale) et article 173, § 2, sous d) (dérogation qui se calcule comme la règle)

Article 173, § 2, sous a), b) et c) (régimes spéciaux)

Même calcul sur base du chiffre d’affaires

N

D

Règle détaillée de calcul sur base annuelle

Liberté d’application de critères pour les EM.

Objectif : déduction plus précise

Interdiction d’utiliser un calcul sur base du chiffre d’affaires (règle détaillée annuelle) dans la mesure où un cas de figure est soumis à l’un des cas de régimes spéciaux.

 

Voir inter alia CJUE, 27 septembre 2001, affaire C-16/00, arrêt Cibo Participations, Rec., p. I-6663, point 34, et 18 décembre 2008, affaire C-488/07, arrêt Royal Bank of Scotland, Rec., p. I 10409, point 17.

 

Voir  CJUE, 13 décembre 2012, affaire C-560/11, ordonnance Debiasi.

2.2 Fonctionnement en Belgique

La déduction suivant la règle du prorata général consiste à n’admettre la déduction de taxes grevant les biens et les services qui sont utilisés pour l’ensemble de l’activité économique qu’à concurrence d’un pourcentage déterminé.

Il semble que l’article 46, § 1er CTVA qui prévoit le système du prorata en Belgique consiste en une transposition de l’article 173, § 2, sous d) Directive TVA.

Cet article doit être entendu comme se référant à l’ensemble des biens et des services utilisés par l’assujetti concerné afin de réaliser tant des opérations ouvrant droit à déduction que celles n’y ouvrant pas droit, sans qu’il soit nécessaire que ces biens et ces services servent à effectuer à la fois ces deux types d’opérations.

Il s’agit donc d’un système forfaitaire de déduction qui a un ressort de simplicité dans son application. En effet, selon la CJUE, en appliquant l’article 173, § 2, sous d) Directive TVA, les assujettis n’ont pas l’obligation d’affecter les biens et les services qu’ils achètent soit aux opérations ouvrant droit à déduction, soit à celles qui n’ouvrent pas un tel droit, soit à ces deux types d’opérations et, par suite, les Administrations fiscales nationales n’ont pas à vérifier si cette affectation a été correctement effectuée.

Il n’en est pas de même de la règle du prorata issue de l’article 173, § 1er Directive TVA qui ne concerne que les biens et services à usage mixte.

Voir : CJUE, 14 décembre 2016, affaire C‑378/15, arrêt Mercedes Benz Italia.

 

2.3 Méthode de calcul

Ce pourcentage ou en d’autres mots le prorata général est l’expression, par année civile, de la relation entre le montant total des opérations pour lesquelles il peut être fait appel à la déduction (ci-après mentionnées sous la lettre N) et le montant de toutes les opérations effectuées par l’assujetti mixte (ci-après mentionnées sous la lettre D).

Le prorata général est donc calculé en transformant en pourcentage la relation N/D.

2.3.1 Méthode de calcul applicable à partir du 1er janvier 2002

Les montants annuels exprimés en euro figurant au numérateur et au dénominateur de cette fraction doivent être arrondis à la dizaine d’euro supérieure.

I. Opérations ouvrant droit à déduction (N)

Les livraisons et les prestations fournies par l’assujetti avec paiement de la TVA

Les livraisons et les prestations fournies par l’assujetti avec exonération de la TVA pour des raisons d’exportation ou y assimilées

Les livraisons intracommunautaires effectuées par un assujetti avec exemption de la TVA

Les prestations de services fournies par un assujetti avec report de perception vers le cocontractant établi dans un autre État membre

Les livraisons et les prestations effectuées par un assujetti et localisées à l’étranger

Les opérations assimilées à des livraisons et à des prestations de services

II. Montant total de toutes les opérations (D)

Les opérations visées au tableau I ci-avant (reprises au numérateur)

Toutes les opérations à la sortie ne donnant pas droit à déduction

 

Source : Brochure d’information – Le ministère des Finances et le passage définitif vers l’euro (http ://www.fiscus.fgov.be).

2.3.2 Précision de la notion de chiffre d’affaires à inclure au prorata

Dans un arrêt du 26 mai 2005, la CJUE a précisé cette notion en affirmant que les travaux en cours n’en faisaient pas partie à défaut d’exigibilité de la TVA. Par contre, il y a lieu de tenir compte des acomptes lesquels rendent bel et bien la TVA exigible.

António Jorge effectue, dans le cadre de son activité économique, des prestations de services correspondant à des marchés de construction civile soumises à la TVA en application des articles 2, § 1 et 6 Sixième Directive.

D’autre part, cette société effectue également des transmissions de biens immeubles qui sont soumises à la TVA en vertu des articles 2, § 1 et 5, de cette directive, mais exonérées de cette taxe, en application des termes de l’article 28, § 3, sous b), et de l’annexe F, point 16, de la même Directive.

Antonio Jorge est donc un assujetti mixte. Il déduit la TVA sur base de la règle du prorata général prévu à l’article 17, § 5, alinéa 1 Sixième Directive (article 46, § 1er CTVA).

Dans la mesure où il ne s’agit pas d’opérations accessoires, visées à l’article 19, § 2, deuxième phrase Sixième Directive dont il est fait abstraction pour le calcul du prorata de déduction, il importe de déterminer quelles opérations doivent être prises en compte lors du calcul de ce prorata.

Le fait générateur de la taxe, son exigibilité et la possibilité de déduction sont liées à la réalisation effective de la livraison ou de la prestation de services, sauf pour les cas de versement d’acomptes où la taxe devient exigible au moment de l’encaissement.

L’article 19, § 1, ne contient aucune mention excluant l’application de cette règle générale pour le calcul du prorata de déduction et rien dans le libellé de cette disposition ne donne à penser que ce système contient une dérogation en ce qui concerne la prise en compte, dans le dénominateur de la fraction permettant le calcul du prorata, d’opérations non encore accomplies autres que celles ayant donné lieu à versement d’acomptes ou établissements de décomptes de travaux.

Dans cette perspective, il n’y a pas lieu de tenir compte des opérations non encore effectuées et dont la réalisation future peut ne pas se concrétiser, alors que le fait générateur de la taxe et, en conséquence, le droit à une déduction dépendent de la réalisation effective d’une opération.

Or, dans la mesure où des travaux en cours n’ont pas fait l’objet d’une facturation par l’assujetti ou de décomptes de travaux et d’aucun versement d’acomptes, ils ne constituent pas des transmissions de biens ou des prestations de services déjà effectuées par ce dernier ni une autre situation constituant le fait générateur de l’exigibilité de la taxe.

Les travaux en cours ne doivent donc pas être intégrés dans le dénominateur de la fraction visé à l’article 19, § 1 Sixième Directive, pour le calcul du prorata de déduction.

Voir : CJUE, 26 mai 2005, affaire C-536/03, arrêt Jorge.

2.4 le dénominateur : la totalité des opérations réalisées par la succursale et le siège. Application

Un comptable effectue des travaux de comptabilité (opérations imposables) et exploite également un bureau d’assurances (opération exemptée de la taxe en vertu de l’article 44, § 3, 4° CTVA).

Durant l’année, il effectue les opérations suivantes :

1.

Prestations de comptabilité :

40.868,75EUR

2.

Courtages en assurances :

+13.447,25 EUR

Total :

54.316,00 EUR

Le prorata général pour les taxes déductibles s’établit comme suit (arrondissement à la dizaine d’euro supérieure) :

40.868,75

=

40.870,00

=

40.870 × 100

54.316,00

54.320,00

54.320

= 75,24 arrondi à 76 %

Voir :  Circulaire n° E.T. 101.350 du 17 décembre 2001, p. 60 et Circulaire n° E.T. 101.564 du 19 décembre 2001.

2.5 Éléments qui ne sont pas pris en considération pour le calcul du prorata général

Il est fait abstraction pour le calcul du prorata général de déduction :

1. du produit de la cession de biens d’investissement (machines, bâtiments, véhicules) qu’un assujetti a utilisés dans son entreprise.

Un arrêt important de la CJUE vient apporter des précisions décisives en cette matière.

Selon la CJUE, le régime de régularisation des déductions tel que déterminé à l’article 20 Sixième Directive et la règle particulière contenue à l’article 19, § 2, dernière phrase, de celle-ci, prévoyant l’inclusion, dans le calcul du prorata, du produit de la cession des biens d’investissement visés, dans le cadre de ce régime de régularisation, à l’article 20, § 5 Sixième Directive, sont sans incidence sur l’interprétation qu’il convient de donner de la notion de biens d’investissement exclus du calcul du prorata en vertu de la première phrase de l’article 19, § 2 Sixième Directive, ladite notion devant être déterminée de manière autonome et uniforme dans la Communauté.

Il existe donc deux notions. La définition des biens d’investissement visés à l’article 19, § 2 Sixième Directive, qui détermine le régime particulier du calcul du prorata de déduction, ne recoupe pas nécessairement celle qui a été retenue pour l’application du régime général de déduction instauré par la Deuxième Directive.

En adoptant les dispositions de l’article 19, § 2 Sixième Directive, le législateur communautaire a donc entendu exclure du calcul du prorata le chiffre d’affaires afférent à la vente de biens lorsque cette vente revêt un caractère inhabituel par rapport à l’activité courante de l’assujetti concerné et ne nécessite donc pas une utilisation des biens ou des services à usage mixte d’une manière qui soit proportionnelle au chiffre d’affaires qu’elle génère.

L’inclusion de ce chiffre d’affaires dans le calcul du prorata de déduction fausserait le résultat de celui-ci en ce sens qu’il ne refléterait plus la part respective d’utilisation des biens ou des services affectés à un usage mixte pour les activités taxées et les activités exonérées.

Dans ces conditions, la notion de « biens d’investissement utilisés par l’assujetti dans son entreprise » au sens de l’article 19, § 2 Sixième Directive ne saurait inclure ceux dont la vente revêt, pour l’assujetti concerné, le caractère d’une activité économique habituelle.

En effet, pour l’assujetti concerné, l’acquisition puis la vente de tels biens nécessitent l’utilisation courante des biens et des services à usage mixte.

Dès lors que cette vente relève des activités habituelles et taxées de l’assujetti, le chiffre d’affaires y afférent doit être pris en compte dans le calcul du prorata de déduction pour que celui-ci reflète au mieux la part d’utilisation, pour ces activités, des biens et des services affectés à un usage mixte, sauf à méconnaître l’objectif de neutralité du système commun de TVA ;

2. des produits et revenus d’opérations immobilières (vente de terrains, location de bâtiments) ou financières (vente d’actions, encaissement d’intérêts), à moins que ces opérations ne relèvent d’une activité économique spécifique à caractère immobilier ou financier de l’assujetti mixte (par exemple une banque ou un bureau immobilier). Cette exclusion a principalement pour but d’éviter que le prorata général ne doive être appliqué dans les cas où les opérations immobilières et financières, qui sont effectuées par la société dans le cadre de la gestion de son patrimoine alors qu’elles sont accessoires vis-à-vis de l’activité économique spécifique de cette société. Les revenus provenant de dividendes d’actions ne sont à reprendre ni au numérateur ni au dénominateur. Pour être qualifiée d’« accessoire », une activité économique ne doit pas constituer le prolongement direct, permanent et nécessaire de l’activité taxable de l’entreprise et elle ne doit pas impliquer une utilisation significative de biens et de services pour lesquels la TVA est due. Pour la CJUE, la composition du chiffre d’affaires de l’assujetti constitue un élément pertinent pour déterminer si certaines opérations doivent être considérées comme accessoires. Toutefois, il convient également de tenir compte du rapport de ces opérations avec les activités taxables de cet assujetti et, le cas échéant, de l’utilisation qu’elles impliquent des biens et des services pour lesquels la TVA est due ;

3. du montant d’opérations réalisées à l’étranger, lorsqu’elles sont effectuées par un siège d’exploitation distinct du siège établi en Belgique et que les dépenses relatives à ces opérations ne sont pas supportées directement par ce dernier siège (par exemple le siège d’une banque belge établi à l’étranger : les revenus et les dépenses relatives aux opérations effectuées à l’étranger par un siège établi à l’étranger et reprises distinctement dans une comptabilité).

Il va de soi que les opérations effectuées par un assujetti mixte personne physique pour la gestion de son patrimoine privé ne sont également pas prises en considération pour le calcul du prorata.

Application

Durant l’année 2017, un avocat qui effectue des prestations de conseil patrimonial (opérations imposables) réalise aussi des prestations exonérées de TVA sur la base de l’article 44, § 2, 2°, 8ème tiret CTVA (participation à la « permanence malades mentaux ») effectuera les opérations suivantes :

 

Prestations taxées :

45.882,50 EUR

Prestations exonérées :

10.744,50 EUR

Sous-total :

56.627,00 EUR

Vente d’un ordinateur utilisé exclusivement pour sa comptabilité :

1.250,00 EUR

Total :

57.877,00 EUR

Le prorata général pour les taxes déductibles de 2017 s’établira comme suit :

45.882,50

=

45.900

=

45.900 × 100

= 80,95 arrondi à 81 %

56.627,00

56.700

56.700

Comme il ressort de l’exemple précité, la vente de l’ordinateur n’est pas prise en considération pour le calcul du prorata général.

2.6 Taxe sur laquelle le prorata général est appliqué

Le prorata général au sens de l’article 46, § 1er CTVA (transposition de l’article 173, § 2, sous d) Directive TVA) est appliqué sur toute la TVA pour laquelle l’assujetti pourrait invoquer le droit à déduction s’il avait été un assujetti total.

Attention, le prorata général de déduction au sens de l’article 173, § 1er Directive TVA n’est est applicable qu’aux seuls biens et services utilisés par un assujetti pour effectuer à la fois des opérations économiques ouvrant droit à déduction et celles n’ouvrant pas droit à déduction, à savoir les biens et services à usage mixte.

Voir, en ce sens, CJUE, 6 septembre 2012, affaire C‑496/11, arrêt Portugal Telecom, point 40 ; et du 9 juin 2016, affaire C‑332/14, arrêt Wolfgang und Dr. Wilfried Rey Grundstücksgemeinschaft, point 25.

2.6.1 Application combinée des articles 45, § 2 et 46 CTVA – Problématique

De nombreuses discussions ont vu le jour à ce sujet.

Une demande introduite par un assujetti néerlandais auprès du Bureau Central pour Assujettis Étrangers à Bruxelles a permis à la Cour d’appel de Bruxelles de rendre un arrêt remarqué.

Il s’agissait notamment de savoir comment doit être exercé le droit à la déduction d’une TVA ayant grevé au moment des faits l’achat d’une BMW 735 i.

La particularité de la demande est qu’elle concernait un assujetti qui, selon la Cour d’appel de Bruxelles, exerçait une activité économique mixte, exonérée de TVA et taxée à la TVA.

En effet, selon la comptabilité, le chiffre d’affaires se décomposait comme suit :

– location immobilière professionnelle : 146.000 NLG ;

– management : 62.665 NLG.

Il faut savoir que ce raisonnement est valable en Belgique alors qu’aux Pays-Bas, il s’agit d’un assujetti avec droit à déduction total étant donné que nos voisins bataves ont levé l’option prévue à l’article 13, c) Sixième Directive pour soumettre à la TVA les locations immobilières.

L’arrêt annoté de la Cour d’appel de Bruxelles nous donne donc, en premier lieu, un cas d’application comparable à celui ayant fait l’objet de la jurisprudence Monte Dei Paschi di Siena de la Cour de Justice des Communautés européennes : il y a lieu de déduire en fonction des données de l’État membre d’établissement tout en les modulant selon les règles applicables dans l’État membre de remboursement.

C’est ce que va faire la Cour d’appel en calculant un prorata de déduction selon les règles internes belges (article 46, § 1er CTVA) de 30 % selon les modalités d’arrondissement en vigueur au moment des faits.

En second lieu, et c’est sous cet aspect que l’arrêt de la Cour d’appel de Bruxelles est important, la Cour va fixer les modalités du droit à la déduction, sous forme de restitution, pour assujetti mixte.

À ce niveau, c’est une véritable révolution puisque la Cour d’appel de Bruxelles va mettre en cause, une pratique administrative constante et bien établie selon laquelle le droit à la déduction pour les assujettis mixtes soumis au prorata s’effectue en deux étapes:

1. d’abord l’application de la limitation de 50 % issue de l’article 45, § 2 CTVA ;

2. ensuite l’application du prorata de 30 % sur le solde de TVA (50 %).

Selon la Cour d’appel, cette double limitation est erronée en ce sens que la limitation de l’article 45, § 2 CTVA ne peut être utilisée que dans l’hypothèse où le prorata de déduction est supérieur à 50 %.

Pour la Cour, appliquer une double limitation lorsque le prorata de déduction est inférieur à 50 % (en l’espèce 30 %) revient ni plus ni moins, à ajouter une condition à la Loi (article 46, § 1er CTVA).

La Cour d’appel conclut donc que l’assujetti a droit à une déduction à hauteur de 30 %, une seule limitation pouvant s’appliquer, celle prévue à l’article 46, § 1er CTVA.

L’Administration s’est pourvue en Cassation. La Cour de cassation a validé la position de l’Administration dans un arrêt très peu motivé. En effet, la Cour de cassation, plutôt que de privilégier une analyse des dispositions en cause (articles 45, § 2 et 46, § 1er CTVA) a choisi une approche pratiquement arithmétique et ex absurdo.

Selon elle, l’interprétation de l’Administration est à retenir du fait que toute autre interprétation conduirait à procurer aux assujettis mixtes un avantage inéquitable par rapport aux assujettis exerçant une activité entièrement taxée à la TVA. Dont acte …

Il y a donc lieu de calculer le droit à déduction pour les assujettis mixtes en deux étapes :

1. application de la limitation de 50 % ;

2. application subséquente du pourcentage du prorata.

Voir :

Appel Bruxelles, 16 mai 2001.

CJUE, 13 juillet 2000, affaire C-136/99, arrêt Montei dei Paschi di Siena, Rec., 2000, p. I-6109.

Circulaire administrative n° 73/72, n° 13, Revue TVA, n° 9, p. 491.

Décision n° E.T. 100.117 du 17 mai 2001.

Cass, 2 octobre 2003, rôle n° C.O1.0422.N.

2.6.2 Application

Un assujetti mixte, dont le prorata général s’élève par exemple à 40 %, a fait effectuer une réparation à son véhicule qu’il utilise au 3/4 à des fins professionnelles. Pour cette réparation, il a payé 2.500 EUR + 21 % soit 525 EUR de TVA. La TVA déductible doit être calculée comme suit selon la position officielle de l’Administration :

– déductible après application de l’article 45, § 2 CTVA : 50 % de 525,00 EUR = 262,50 EUR ;

– déductible après application du prorata général : 40 % de 262,50 EUR = 105,00 EUR.

2.7 Prorata général provisoire et prorata général définitif

2.7.1 Prorata général provisoire

L’assujetti effectue, pour chaque année civile, la déduction suivant le prorata général qui est déterminé provisoirement sur base du montant des opérations qui ont été effectuées dans le courant de l’année précédente.

S’il s’agit d’un assujetti qui commence son activité professionnelle, le prorata général est évalué sur base des prévisions d’exploitation.

D’où l’usage du terme prorata provisoire.

2.7.2 Prorata général définitif

Le prorata général définitif est déterminé sur base du montant des opérations qui ont réellement eu lieu pendant l’année durant laquelle la déduction est effectuée. Il doit en principe être déterminé au plus tard au 20 avril de l’année suivante.

Il est important de noter que le prorata général définitif d’une année déterminée est le prorata général provisoire de l’année suivante.

Suite à la possibilité d’introduire la déclaration TVA par voie électronique, l’article 3 l’AR du 5 septembre 2001 modifiant l’article 15 l’AR n° 3 a imposé que chaque prorata soit justifié par une feuille de calcul reprenant tous les éléments retenus pour sa détermination. L’assujetti envoie ou remet cette feuille de calcul au bureau de la TVA désigné à cet effet au plus tard à la date de dépôt de la déclaration visée à l’article 18, §§ 1er et 2 l’AR n° 1, où il en est fait usage pour la première fois. La feuille de calcul se référera à cette déclaration.

Application

2006 : Le prorata général définitif déterminé au plus tard au 20 avril 2006 s’élève à 67 %.

2007 : Par conséquent, le prorata général provisoire pour 2007 s’élève à 67 %.

Source : MB, 18 septembre 2001.

2.7.3 Dispense de révision – Écart de moins de 10 %

2.7.3.1 Principe de la dispense

L’article 173, § 1 Directive TVA (article 46, § 1er CTVA) instaure une règle détaillée de calcul sur base annuelle en fonction de la pondération du chiffre d’affaires ouvrant ou n’ouvrant pas droit à déduction.

La déduction est en principe immédiate et totale. Elle doit néanmoins faire l’objet d’ajustements que l’on nomme « régularisations » dans la Directive TVA et « révisions » dans le Code.

Ainsi, pour un assujetti mixte, il y a en principe une obligation annuelle de procéder à une révision de TVA en fonction des variations du prorata.

L’assujetti est dispensé d’opérer la révision lorsque la différence entre les proratas à prendre en considération n’atteint pas 10 % (article 17, § 1er, alinéa 1er l’AR n° 3).

Cette disposition est applicable aux révisions auxquelles peuvent donner lieu l’article 15 (comparaison entre le prorata provisoire et le prorata définitif) et l’article 16 (révision pour les taxes ayant grevé les biens d’investissement).

Exemple

Le prorata provisoire pour une année déterminée est de 42 % ; le prorata définitif pour cette même année est de 35 %. Aucune révision ne doit être opérée.

2.7.3.2 Dérogation

La dispense d’opérer la révision n’est pas applicable en cas de révision d’un prorata estimé provisoirement d’après les prévisions d’exploitation (article 17, § 1er, alinéa 2 l’AR n° 3).

Cette disposition est justifiée par le caractère aléatoire de pareilles prévisions. Elle évite, d’autre part, les spéculations qui auraient été basées sur la dispense de révision.

2.7.3.3 Caractère facultatif de la dispense de révision

Conçue dans un but de simplification, la dispense de révision ne doit pas s’exercer au détriment de l’assujetti en l’empêchant d’opérer une déduction supplémentaire à laquelle il aurait normalement droit. C’est pourquoi l’article 17, § 2 l’AR n° 3, autorise l’assujetti à renoncer à cette dispense.

Toutefois, pour éviter ici aussi des spéculations, la renonciation devra s’étendre sur cinq années consécutives au moins.

L’assujetti porte sa décision de renoncer à la dispense de révision à la connaissance de l’Administration dans la feuille de calcul qu’il doit envoyer ou remettre à l’office de contrôle dont il relève (article 17, § 2 l’AR n° 3).

Ce n’est que lorsque l’assujetti a utilisé pendant une année la dispense conditionnelle de révision qu’il y a lieu de faire face à une période de blocage quinquennale dans l’hypothèse où une révision – pour un écart n’atteignant pas 10 % – est effectuée après l’exercice effectif de la dispense.

Exemple

En 2011, l’écart atteint 5 % en faveur de l’État et l’assujetti ne procède pas à une révision.

En 2012, l’écart atteint 9 % en sa faveur et il procède à une révision. C’est son droit le plus strict mais la conséquence est qu’il devra procéder à des révisions obligatoires quel que soit l’écart constaté entre les proratas.

Dans ce cas, sur base de l’article 17, § 2 l’AR n° 3, il renonce à toute dispense pour 5 années consécutives.

Voir : Manuel de la TVA, 2012, n° 417.

2.8 La méthode dérogatoire issue de l’article 173, § 2, sous d) Directive TVA

Un arrêt de la CJUE aborde le fonctionnement de cette méthode dérogatoire.

En Italie, le législateur a transposé l’article 17, § 5, alinéa 3, sous d) Sixième Directive (article 173, § 2, sous d) Directive TVA) qui prévoit qu’un État membre peut autoriser ou obliger un assujetti à opérer la déduction, conformément à la règle prévue à l’article 17, § 5, alinéa 1er Sixième Directive, pour tous les biens et les services utilisés pour toutes les opérations y visées.

Notons tout de suite que le législateur en Belgique n’a pas transposé cette méthode dérogatoire dans le Code de la TVA. En effet, l’article 46, § 2 CTVA transpose l’article 17, § 5, alinéa 3, sous c) Sixième Directive (système de l’affectation réelle).

Quelle est l’interprétation de l’article 17, § 5, alinéa 3, sous d) Sixième Directive?

Il s’agit de savoir si cet article doit être interprété en ce sens qu’il implique l’emploi d’un prorata de déduction fondé sur le chiffre d’affaires.

La réponse de la CJUE est positive.

Ce prorata doit être déterminé conformément à l’article 19 Sixième Directive qui dispose que le prorata de déduction doit être établi sur la base d’une fraction comportant, au numérateur, le chiffre d’affaires afférent aux opérations ouvrant droit à déduction et, au dénominateur, le chiffre d’affaires afférent à ces opérations et aux opérations n’ouvrant pas droit à déduction.

Il en ressort un effet nécessairement différent de la méthode dérogatoire par rapport à la règle générale du prorata

La règle générale du prorata ne peut s’appliquer qu’aux seuls biens et services à usage mixte.

Contrairement à la règle générale, la méthode dérogatoire au sens de l’article 17, § 5, alinéa 3, sous d) Sixième Directive permet d’appliquer le pourcentage de déduction issu du prorata à l’ensemble des biens et services.

Dans ce cas, il n’y a donc pas lieu de procéder à une affectation des biens et services pour déterminer s’ils connaissent un usage mixte.

Voir :CJUE, 14 décembre 2016, affaire C-378/15, arrêt Mercedes Benz Italia.

Voir CJUE, 6 septembre 2012, affaire C‑496/11, arrêt Portugal Telecom, point 40 ; et 9 juin 2016, affaire C‑332/14, arrêt Wolfgang und Dr. Wilfried Rey Grundstücksgemeinschaft, point 25.

3 Déduction suivant l’affectation réelle

3.1.Principe

La possibilité qu’offre l’article 173, § 2 Directive TVA de déroger à la méthode de calcul du droit à déduction prévue à l’article 173, § 1 Directive TVA (la règle du prorata général) vise à permettre aux États membres de parvenir, eu égard notamment aux caractéristiques spécifiques des activités de l’assujetti, à des résultats plus précis dans la détermination de l’étendue du droit à déduction.

Le fonctionnement de la règle précitée du prorata général peut entraîner des inégalités lors de l’application de la taxe :

1. soit dans le chef de l’assujetti du fait d’une trop petite déduction en comparaison avec l’affectation réelle ;

2. soit dans le chef de l’État par suite d’une trop grande déduction en comparaison avec l’affectation réelle.

Dans le premier cas, l’assujetti mixte peut opter pour l’application de l’affectation réelle. Il effectue cette option dans un document qu’il joint à la première déclaration dans laquelle il utilise cette règle.

Dans le deuxième cas, le bureau de contrôle TVA doit avertir l’assujetti qu’il est obligé d’effectuer la déduction suivant la règle de l’affectation réelle. Cette notification doit être motivée et mentionner la date de son entrée en vigueur. Il arrive également, qu’un régime particulier soit introduit dans des circulaires ou décisions administratives pour certains assujettis ou pour certaines opérations. Dans ce cas, la déduction suivant l’affectation réelle est imposée pour pouvoir bénéficier de ce régime particulier (p. ex. les constructeurs professionnels).

Il va de soi que la règle de l’affectation réelle ne peut être appliquée que lorsqu’il est possible de distinguer les biens et les prestations de services fournis à un assujetti mixte de manière à savoir lesquels de ces biens et de ces prestations de services sont utilisés pour des opérations sur lesquelles le droit à déduction existe et pour des opérations sur lesquelles le droit à déduction n’existe pas.

En résumé, l’application de la déduction suivant la règle de l’affectation réelle peut être représentée schématiquement comme suit.

Voir :

CJUE, 10 juillet 2014, affaire C-183/13 ; arrêt Banco mais, point 29.

Circulaire n° 17/75, n° 4, Revue TVA, n° 22/75.

3.2 Champ d’application

La déduction suivant l’affectation réelle des biens et prestations de services est effectuée de la manière suivante :

1. la taxe grevant les biens et prestations de services que l’assujetti mixte destine à des opérations pour lesquelles le droit à déduction existe, est déductible suivant les règles générales applicables pour les assujettis complets ;

2. la taxe grevant les biens et prestations de services qui sont destinés à des opérations pour lesquelles aucune déduction n’est possible, n’est pas prise en compte pour la déduction ;

3. la taxe grevant les biens et les prestations de services qui sont destinés tant à des opérations visées sous 1° que pour des opérations visées sous 2° (p. ex. la TVA sur des frais généraux) est prise en compte en proportion de l’affectation réelle pour chaque catégorie d’opérations. Dans ce cas, l’assujetti doit joindre à sa déclaration un document dans lequel il mentionne les critères utilisés lors du calcul de ce prorata. S’il n’était pas possible de déterminer de la sorte un prorata particulier parce que l’affectation réelle est difficile ou impossible à calculer pour chaque catégorie d’opérations, l’assujetti peut appliquer la règle du prorata général pour la déduction de la TVA grevant les frais visés, à moins que l’Administration ne s’y oppose formellement.

3.2.1 Détermination d’une clé de répartition pour les dépenses mixtes – Position administrative

À ce sujet, le Représentant Denis a posé la question suivante : un contrôleur de la TVA peut-il décréter qu’une société qui tire ses revenus à la fois de la location d’immeubles et d’opérations commerciales ne pourra récupérer la TVA relative à ses frais généraux (voiture, fournitures diverses, frais d’usage et de fonctionnement de la société etc.) qu’au prorata du chiffre d’affaires lié aux opérations commerciales?

Dans sa réponse, le ministre des Finances a été très clair : en cas d’application de la règle de l’affectation réelle, pour les taxes ayant grevé les biens et les services destinés exclusivement au secteur permettant la déduction, l’assujetti opère la déduction selon les règles normales applicables à un assujetti total, tandis que, pour les taxes ayant grevé les biens et les services destinés exclusivement au secteur ne permettant pas la déduction, toute déduction est écartée. Pour les taxes ayant grevé les biens et les services destinés à servir aux deux secteurs, par exemple les frais généraux, l’assujetti détermine, dans toute la mesure du possible, et sur base de critères précis et contrôlables, des prorata spéciaux fixés en fonction de cette double affectation. Lorsque la détermination de tels critères n’est pas possible, le prorata spécial est alors déterminé comme un prorata général de déduction.

Voir : Q. n° 328 de M. Denis du 10 mai 2000 ; Bull. Q. et R. Parl., Chambre, session 2000-2001, n° 048.

3.3 Option de l’assujetti mixte

L’assujetti mixte peut opter pour le régime de l’affectation réelle des biens et prestations de services. Il doit au préalable en avertir par écrit l’Administration.

Dans la pratique, cette option a lieu en joignant à la première déclaration périodique dans laquelle il souhaite faire usage de cette règle de l’affectation réelle, une pièce dans laquelle il confirme son choix.

Une notification préalable à l’Administration est exigée. Ainsi, il y a quelques années, un jugement a déterminé qu’un conseiller fiscal comptable avait agi illégalement en appliquant la règle de l’affectation réelle sans avoir effectué la notification préalable à l’Administration. Il faut toutefois ajouter que la nature de l’activité de la personne précitée permettait de plus difficilement de déterminer la destination des biens et prestations de services à un secteur déterminé.

Dans une affaire ayant fait l’objet d’un pourvoi en Cassation, la Cour d’appel de Bruxelles avait accordé à l’assujetti le droit d’appliquer la règle de l’affectation réelle, alors que celui-ci n’en avait pas fait la demande préalable à l’Administration.

Selon la Cour de cassation, cela ne se peut. En effet, l’assujetti doit notifier à l’Administration sa volonté d’appliquer le régime de l’affectation réelle (formalité substantielle). En son absence, le juge ne peut pas lui-même octroyer ce droit à l’assujetti.

Voir :

Tribunal Gand, 9 mars 1984.

Appel Bruxelles, 21 novembre 2000.

Cass., 2 octobre 2003, rôle n° C.01 mars 01.N.

3.4 Application obligatoire

Le bureau de contrôle duquel relève l’assujetti peut lui imposer l’obligation d’effectuer la déduction suivant la règle de l’affectation réelle, à chaque fois qu’il est établi que l’usage du prorata général entraîne une inégalité lors de la perception de la taxe.

En principe, cette notification sera à chaque fois envoyée lorsque l’on établira que la déduction suivant le prorata général entraîne une déduction visiblement plus élevée que celle provenant de l’application de la règle de l’affectation réelle. De cette manière, l’assujetti mixte serait mieux traité pour son activité imposable qu’un assujetti complet exerçant une même activité.

L’Administration tiendra compte lors de la détermination de la nécessité d’appliquer la règle de l’affectation réelle, de certaines circonstances de fait qui s’oppose à la conservation totale ou partielle de la règle du prorata général.

C’est notamment le cas lorsque :

1. l’activité économique est composée d’un secteur imposable et d’un secteur non imposable totalement distinct et en particulier si une comptabilité distincte est tenue pour chacun des secteurs ;

2. l’assujetti lors de la réception des biens ou des prestations de services peut aisément déterminer pour quel secteur ces biens ou prestations sont exclusivement destinés, soit pour un secteur imposable, soit pour un secteur non-imposable ;

3. la règle du prorata général ne peut être appliquée parce que le dénominateur du prorata peut difficilement ou ne peut être déterminé (p.ex. dans le cas d’une compagnie d’assurances, qui indépendamment des opérations d’assurances, effectue des opérations imposables).

Important

L’Administration ne peut imposer l’usage de la règle de l’affectation réelle avec effet rétroactif.

Une telle obligation est uniquement applicable pour le futur.

Application

Une société holding passive X, qui en outre, effectue, en tant que donneur en leasing, une opération de leasing immobilier dont le contrat répond intégralement aux conditions l’AR n° 30 a pour cette opération la qualité d’assujetti à la TVA avec droit à déduction des taxes en amont.

Étant donné que cette société X accomplit également des opérations sans droit à déduction de la TVA, son droit à déduction devra être déterminé conformément aux limitations de déduction prévues à l’article 45 CTVA ainsi qu’aux règles de l’affectation réelle prévues à l’article 46, § 2 CTVA.

Voir :  Décision anticipée n° 2010.123 du 8 juin 2010.

4 Révisions de la déduction

4.1 Renvoi

Les révisions qui doivent être effectuées par l’assujetti mixte font l’objet du commentaire du 4 Révision de la déduction de la TVA grevant des biens d’investissement ci-après.

Nous n’y attirons pas uniquement l’attention sur les révisions à effectuer par les assujettis mixtes qui effectuent la déduction suivant la règle du prorata général mais également sur ceux qui appliquent la règle de l’affectation réelle.

De plus, nous y étudions les révisions spécifiques pour les assujettis mixtes et également celles qui sont applicables à l’ensemble des assujettis.

4.2 Biens et prestations de services utilisés dans un secteur non imposable

La question s’est posée de savoir si un assujetti partiel, qui pour ses déductions, applique la règle de l’affectation réelle des biens et des services est tenu d’appliquer les articles 12, § 1er, 3°, et 19 CTVA, lorsque les biens utilisés et les travaux exécutés sont exclusivement affectés aux besoins du secteur non-assujetti de son entreprise.

La réponse est affirmative.

D’une part les dispositions précitées sont applicables à tout assujetti, sans distinguer selon qu’il est total ou partiel et, dans cette seconde hypothèse, selon qu’il applique la règle du prorata général ou celle de l’affectation réelle.

D’autre part, le but de ces dispositions est de mettre l’assujetti, qui se livre à lui-même des biens ou des services pour les besoins de son entreprise, dans la même situation, au plan de la déduction, que s’il recourait à un tiers pour la fourniture desdits biens et services ; il est clair que cet objectif n’est atteint que par une taxation uniforme des livraisons à soi-même chez l’assujetti, quels que soient sa qualité et le mode de déduction adopté.

Exemple

Un assujetti partiel, qui applique la Règle de la déduction selon l’affectation réelle des biens et des services, a un secteur non-assujetti comportant la location d’immeubles, pour lesquels il affecte des membres de son personnel à des travaux immobiliers.

La taxe est due en vertu de l’article 19, § 2, 1° CTVA , sur la valeur normale de ces travaux et elle n’est pas déductible vu l’affectation au secteur non-assujetti.

Voir : Décision n° E.T. 33.110 du 12 août 1981, Revue TVA, n° 51/81, p. 611, n° 772.